Le bleu du Vercors-Sassenage, 6 siècles et toujours ambassadeur du massif!

Dans le parc régional du Vercors existe un fromage aux origines médiévales, le Bleu du Vercors-Sassenage. Sous une croûte assez lisse et fine au léger duvet blanc se cache une douce pâte persillée, souple et onctueuse à l’arôme subtil de noisette.

Bleu Vercors-Sassenage

Au temps des Seigneurs…

Au moyen-âge, les seigneurs Béranger-Sassenage règnent sur une partie du Vercors. Ils y prélèvent leurs impôts que les paysans payent en nature sous forme de fromage dit bleu des Monts de Sassenage ou fromage de Sassenage. Ce droit exclusif du Seigneur prend fin en 1338 grâce au baron Albert de Sassenage qui autorise les paysans à vendre librement leur production. Le bleu du plateau du Vercors commence alors à se faire connaître et arrive sur les tables des rois de France: François 1er s’en régale! Plus tard, les coquetiers et “ramasseurs” (rappelez-vous, ce sont eux qui ont fait connaître le Saint-Marcellin au delà du Dauphiné) contribueront aussi à la notoriété du bleu du Vercors.

Un bleu unique?

Oui! Il est le seul fromage fabriqué à partir du mélange du lait de la traite du matin à celui de la veille qui aura été chauffé puis refroidi. Parce que les vaches produisaient trop peu de lait à cause de leur travail de labour et de transport, les paysans mélangèrent alors le lait de la traite de la veille réchauffé au lait cru de la traite du matin. Ce mélange agissait comme un ferment dans la fabrication du fromage.

Une recette originale qui a failli se perdre

1920, l’après guerre! Les campagnes se vident petit à petit et les bêtes sont remplacées par le tracteur. Le lait n’est plus transformé en bleu: il est vendu sur Grenoble grâce au tramway partant de Villard de Lans, et à des fruitières qui le transforme en gruyère et tommes de Savoie.  La fabrication du bleu à la ferme disparaît! Mais il ne fallut guère plus de 10 ans pour que les habitants réclament à nouveaux ce fameux fromage à pâte persillée. Léonard Mestrallet, laitier savoyard, va alors à l’écoute des paysannes et apprend à refabriquer ce bleu: il adapte la recette fermière pour en faire un fromage de laiterie. Mais il conserve toutefois les secrets du fromage fermier…

1998, AOC et reconnaissance d’un savoir-faire local

Dès les années 70 avec la création du Parc Régional du Vercors et le développement du tourisme associé, les agriculteurs du Vercors se regroupent. Ils veulent maintenir leur agriculture de montagne. Ensemble, ils réfléchissent à leur avenir: qualité de vie, modernisation des conditions de production, sauvegarde du patrimoine, qualité et promotion des produits, entretien de l’espace et respect de l’environnement, … Ils s’engagent au début des années 90, avec le soutien de restaurateurs et d’habitants, aidés de l’équipe de l’Ecole Nationale d’Industrie Laitière de la Roche sur Foron à la reconnaissance en AOC (Appelation d’Origine Controlée) de leur fromage. 6 siècles tout de même qu’il puise ses racines dans le Vercors! Les héritiers de Léonard Mestrallet transmettent les secrets de la fabrication atypique et fermière de ce bleu. 1994, Jean-Charles Didier sort un bleu fermier! Et en 1998, le bleu du Vercors-Sassenage obtient l’AOC! En 1999, l’IGP (Indication Géographique Protégée).

Un cahier des charges rigoureux

la villardeLe lait utilisé provient uniquement  de vaches de race montbéliarde, abondance ou villarde (une race du Vercors oubliée qui renaît aujourd’hui grâce au travail d’éleveurs). L’été, elles sont en pâturage et l’hiver elles se nourrissent exclusivement des foins et herbes récoltés sur l’aire géographique de l’AOC entièrement incluse dans le Parc Régional.

Il est le seul fromage fabriqué à la ferme à partir d’un mélange de lait de la veille chauffé auquel on ajoute le lait cru et chaud du matin dans une proportion de 30 à 50%. En laiterie, l’ajout de ferments ensemence le lait de manière à ce qui se faisait auparavant avec l’addition de 10 à 25% de lait cru.

Prêt de 8 opérations sont nécessaires avant l’affinage du fromage. Après l’emprésurage, le caillé est découpé en petits grains d’environ 1 cm de côté puis brassé. Après un peu de repos, il est versé dans des moules que l’on retourne toutes les heures 7 à 8 fois. Une fois démoulés, les fromages sont mis en saloir individuel: 3 salages sont nécessaires à 12 heures d’intervalle. Afin, ils rentrent en salle d’affinage pendant au moins 3 semaines dans des conditions de température et d’hygrométrie strictes. Le persillage est assuré par les aiguilles avec lesquelles le fromage est piqué à plusieurs reprises.

Quelques  chiffres

  • diamètre: 27 à 30 cm
  • hauteur: 7 à 9 cm
  • poids: 4 à 4,5 kg
  • Matière grasse: 48%
  • Extrait sec: 52 %
  • Il faut entre 35 et 40 litres de lait pour fabriquer 1 fromage
  • Cheptel: 1800 vaches laitières
  • 203 tonnes/an de production bleu laitier (coopérative Vercors Lait à Villard de Lans)
  • 46 tonnes/an de production bleu fermier (10 producteurs fermiers)

En plateau ou cuisiné?

Le bleu du Vercors-Sassenage s’appréciera aussi bien en apéritif qu’entre le plat et le dessert. Doux et fin en bouche, il terminera bien un plat de poissons ou de fruits de mer. Pour un plateau typique de fromages de montagne des Alpes, vous l’accompagnerez de beaufort et d’abondance, de reblochon et de chevrotin, de Tamié, de tome des bauges et de tommes de Savoie.  Pour surprendre vos convives, présentez-le aux côtés de bleu de Gex, de bleu de Termignon, de Roquefort, de fourme d’Ambert, de bleu des Causses, … pour un plateau de pâtes uniquement persillées. Vous pourrez aussi jouer la carte des fromages du Vercors et du Dauphiné en l’accompagnant de tomme du Vercors, de Saint-Marcellin et de Saint-Félicien, et autres fromages fabriqués à Villard.

Pour bien le conserver, laissez-le dans son papier d’origine ou enveloppez-le dans du papier sulfurisé. Vous l’entreposerez dans la partie basse du réfrigérateur et vous penserez bien à le sortir  au moins une heure avant de le servir pour que ses arômes se développent et profiter ainsi de toute sa saveur.

S’il s’impose naturellement sur le plateau de fromages, il est étonnant dans de nombreuses préparations en cuisine. Car il a l’avantage de fondre sans rendre de gras! Du coup, il peut se déguster en raclette: la Vercouline! Au passage, je vous recommande une petite visite à l’auberge des Allières pour la déguster fondue devant la cheminée. Il est parfait du coup pour des tartines, des burgers… des croques ou des pitas. Il s’intègre très bien à un appareil à tarte salée ou à un cake. Il s’acoquine très facilement de ses acolytes de la région: la noix et le vin de la vallée du Grésivaudan. On aime aussi à le découper en petits cubes à servir à l’apéritif, en bouchées ou mélangés à une salade.

Bernard Mure-Ravaud, maître fromager bien connu des grenoblois nous conseille pour mettre en valeur le bleu du Vercors de choisir un rouge vif et corsé: un Beaujolais Village ou un Côte-du-Rhône Village ou, pour une toute autre sensation, un blanc moelleux type Jurançon. Je vous laisserez, lecteurs amateurs de vin, donner votre sentiment sur l’accord vin-bleu du Vercors!

Les restaurateurs de la région grenobloise s’ingénuent toujours à le travailler. Jérôme Faure, chef étoilé à la table de l’hôtel du Golf de Corrençon sert un velouté de Saint-Jacques et bleu fermier du village en plus de son plateau de fromage des Alpes.

Un peu de promotion

L’APAP (Association pour la Promotion des Agriculteurs du Parc du Vercors), le SIVER (Syndic Interprofessionnel du bleu du VERcors-Sassenage), le Parc Naturel du Vercors travaillent ensemble pour promouvoir et valoriser ce bleu, produit de montagne traditionnel et ambassadeur du massif du Vercors. Et ce n’est sans compter l’énergie de la confrérie du bleu qui est présente sur de nombreuses manifestations au niveau régional, national et même international!

Logo bleu du Vercors

[Source Décret AOC Bleu du Vercors-Sassenage,  La confrérie du bleu, Parc National du Vercors et la fête du bleu, Vercors-net]

Céline Mennetrier – Grenoble – Avril 2014

6 commentaires

    • Vous cherchez du Bleu du Vercors-Sassenage, demandez à votre fromager, il en aura peut-être. Sinon je ne peux pas vous dire si la coopérative du Vercors livre. Appelez-les! Bonne continuation, Céline.

    • C’est chouette d’aller chercher l’histoire des produits du terroir! C’est du travail mais c’est tellement enrichissant…

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